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L'ACTUALITÉ DE LA GRANDE ÎLE DEPUIS 1929

Photo du rédacteurVolanirina Razafindrafito

Les impacts socio-économiques de l’exploitation minière artisanale dans le district de Sakaraha, région Atsimo Andrefana

RAMAMITIANA Perline, RANDRIANOELY Rado, ANDRIAMANANJARY Navalona Valerie, ARNO RAMAROLAHY Safidy  Iombonana


Introduction


Le district de Sakaraha :

Sakaraha est une commune clé située le long de la célèbre Route Nationale n°7 (RN7), reliant Tuléar à Fianarantsoa. Elle se trouve précisément à 134 kilomètres au nord-est de Tuléar, à 64 kilomètres d’Andranovory et à 84 kilomètres d’Ilakaka, ce qui en fait une étape stratégique sur ce grand axe de communication (Rakotondrainibe, 2018). La population de Sakaraha, qui était de 94 787 habitants en 2000, a atteint 154 193 habitants en 2017.

L’économie de Sakaraha a connu un essor considérable grâce à l’exploitation du saphir, une activité qui fait de cette localité un acteur clé dans le commerce mondial des pierres précieuses. En effet, le gisement de saphir de Sakaraha est reconnu comme l’un des plus importants au monde, attirant investisseurs et commerçants internationaux (Ramanandraibe, 2015).

Parmi les figures marquantes ayant investi dans ce secteur, le Saoudien Mohamed Jamal Khalifah, époux d’une sœur d’Oussama ben Laden, possédait des mines de pierres précieuses situées à proximité de Sakaraha. Cet homme d’affaires influent s’est rendu sur ces sites pour des visites régulières. Cependant, son implication dans le secteur minier a tragiquement pris fin lorsqu'il fut assassiné le 31 janvier 2007 par une trentaine de bandits, un incident qui a marqué l’histoire locale et révélé les enjeux sécuritaires autour de cette richesse naturelle (Andriamahery, 2007).

L’exploitation du saphir a transformé l’économie locale en générant des emplois directs et indirects pour les communautés. Cependant, elle a aussi exacerbé des problèmes sociaux tels que l’insécurité, les conflits fonciers, et l’exploitation illégale. Ce meurtre emblématique illustre les tensions et les défis qui entourent ce secteur, entre opportunités économiques et instabilité (Rakotomalala, 2019).

En matière de tourisme et d’écologie, le Parc National de Zombitse-Vohibasia se distingue comme un site incontournable. Géré par Madagascar National Parks (MNP), anciennement connu sous le nom d’Association Nationale pour la Gestion des Aires Protégées (ANGAP), ce parc est une vitrine de la biodiversité malgache. Situé à seulement 20 km au nord-est de la ville de Sakaraha, à 150 km de Toliara et à 90 km à l’ouest du Parc National de l’Isalo, il occupe une position stratégique sur l’axe touristique de la Route Nationale 7 (Rakotoson, 2018).

Créé en 1997, le parc s’étend sur une superficie d’environ 360 km² et abrite une forêt décidue sèche, typique des écosystèmes du sud-ouest malgache. Cette forêt, bien que adaptée aux conditions arides, est d’une richesse biologique exceptionnelle. Le parc est réputé pour héberger plusieurs espèces de lémuriens, notamment le Propithèque de Verreaux et le Microcèbe de Coquerel. En outre, près de 50% des espèces d’oiseaux endémiques de Madagascar y sont recensées, faisant de ce lieu un sanctuaire pour les ornithologues et les passionnés de faune (Andriamasinoro, 2020).

1. Une source de revenus pour les communautés locales

L'exploitation artisanale des minerais, en particulier des pierres précieuses comme le saphir, représente une activité économique cruciale dans le district de Sakaraha. En raison de la rareté des emplois formels, cette activité offre une alternative importante pour de nombreuses familles. Elle permet à celles-ci de générer des revenus directs grâce à la vente des minerais extraits, ce qui contribue à l'amélioration des conditions de vie de certains ménages. En effet, la vente de pierres précieuses est une source de revenu non négligeable, permettant à des travailleurs informels, souvent dans des zones reculées, de subvenir à leurs besoins quotidiens (Ramiandrisoa & Rakotondramanga, 2017).

Les commerçants locaux, les transporteurs, et de nombreux autres acteurs de la chaîne d'approvisionnement bénéficient également de cette activité. Ceux-ci jouent un rôle clé dans le commerce et la distribution des pierres précieuses, qui sont souvent envoyées vers des marchés nationaux et internationaux. Cette dynamique crée un cercle économique local, où chaque acteur, qu'il soit impliqué dans l'extraction, le transport, la vente ou l'exportation, trouve un moyen de subsistance dans ce secteur.

 Photo : Site Saphir Sakaraha


Source : Auteur 2018

Cependant, bien que cette activité génère des bénéfices à court terme pour les travailleurs, elle soulève des préoccupations en matière de durabilité environnementale et de conditions de travail. L'exploitation minière artisanale est souvent associée à des pratiques non régulées, telles que l'exploitation illégale des ressources, l'utilisation de produits chimiques dangereux, et la déforestation. De plus, les conditions de travail dans les mines sont fréquemment difficiles et dangereuses, ce qui souligne la nécessité de trouver des solutions viables pour concilier développement économique et respect de l'environnement (Rakotomalala, 2019).

Cependant, cette manne économique reste volatile en raison de l'instabilité des prix sur le marché international et des intermédiaires souvent dominants dans le circuit de commercialisation (Hajosoa, 2020).

2. Une transformation des dynamiques sociales

  • L'attraction de migrants et la diversité culturelle

L’exploitation minière artisanale dans le district de Sakaraha a entraîné un afflux massif de migrants en provenance de diverses régions de Madagascar, notamment les Antandroy, Mahafaly, Bara, et Betsileo. Ces groupes, attirés par la perspective de gains rapides grâce à l'extraction de pierres précieuses et d'autres minerais, viennent dans la localité dans l'espoir d’améliorer leur situation économique. Cette affluence de travailleurs migrants a enrichi la diversité culturelle de la région, mais a aussi généré des tensions sociales. L’exploitation minière, perçue comme un moyen facile de gagner de l'argent, attire également des acheteurs locaux et étrangers, créant une dynamique économique complexe mais fragile.

  • Modification des structures familiales et communautaires

Les changements économiques induits par l’exploitation minière ont profondément modifié les structures familiales et communautaires. De nombreux ménages, jadis centrés autour de l’agriculture ou de l’élevage, se réorientent vers l'exploitation minière, ce qui perturbe les rôles traditionnels au sein des familles. Les jeunes générations, en particulier, sont attirées par l’argent rapide et tendent à délaisser les activités agricoles traditionnelles, créant ainsi des frictions avec les générations plus âgées qui restent attachées aux méthodes de subsistance antérieures. De plus, l’exploitation minière artisanale entraîne une diminution des structures de soutien communautaire, comme les réseaux d'entraide dans les villages, ce qui complique la gestion des relations sociales locales.

  • L’émergence de nouvelles inégalités socio-économiques

Bien que certains individus bénéficient des revenus importants générés par l’exploitation minière, d’autres, notamment les travailleurs informels ou les sans-emploi, se retrouvent dans des situations de précarité extrême. L’exploitation minière engendre des inégalités, car seules une partie des personnes impliquées accèdent à des profits substantiels. Les autres, souvent dans des conditions de travail difficiles et sans protections sociales, voient leur situation se dégrader. Cela exacerbe les inégalités socio-économiques, avec des disparités croissantes entre ceux qui réussissent à tirer profit de l'exploitation minière et ceux qui sont laissés pour compte.


  • Les enjeux de sécurité et de gouvernance locale


L’exploitation minière artisanale a souvent entraîné des tensions sociales importantes, notamment en raison des affrontements pour le contrôle des sites miniers et des conflits d’intérêt entre les différents acteurs de l'exploitation. Cette situation a contribué à une augmentation de l'insécurité, et des incidents violents, y compris des meurtres et des actes de banditisme, sont fréquemment rapportés. Ces problèmes de sécurité compliquent la gouvernance locale et mettent à l'épreuve la capacité des autorités à maintenir l'ordre et à gérer les conflits d'une manière pacifique et équitable. Le maintien de la paix dans ces zones d’exploitation est devenu un défi majeur pour les autorités locales.


  • L'impact sur les relations entre générations


L’exploitation minière artisanale a eu un impact significatif sur les relations intergénérationnelles. D'un côté, les jeunes, attirés par les revenus rapides de l’exploitation minière, s’éloignent des pratiques agricoles et traditionnelles. De l'autre côté, les générations plus âgées, souvent attachées aux pratiques agricoles et à un mode de vie plus traditionnel, se sentent marginalisées et dévalorisées par cette évolution. Cette divergence de valeurs a créé une fracture générationnelle au sein des familles et des communautés. Cependant, il est également possible de constater des formes de coopération entre générations, où les jeunes travaillent ensemble avec les aînés pour concilier l'exploitation minière et l'agriculture.

  • Le rôle des femmes et des enfants dans l'exploitation minière

Dans les sites d’exploitation minière, les femmes et les enfants sont souvent impliqués dans des activités liées à l'extraction et au commerce des minerais. Cependant, leurs conditions de travail sont extrêmement précaires et dangereuses, et elles sont confrontées à de grands risques, notamment l'exposition à des substances toxiques et à des accidents physiques. Les femmes, en particulier, jouent également un rôle économique important en vendant des produits locaux comme du café, des boissons, ou de la nourriture pour soutenir les mineurs. Cette implication des femmes et des enfants dans l’exploitation minière artisanale modifie leur position dans la famille et dans la société, leur donnant parfois plus d’autonomie, mais aussi les exposant à des risques importants.

  • Les défis de l'intégration des migrants et des communautés locales

L’arrivée de nouveaux travailleurs, notamment des migrants en quête de meilleures opportunités économiques, a souvent généré des tensions entre ces derniers et les communautés locales. Les ressources limitées (terres, eau, infrastructures) deviennent rapidement une source de conflit, et l’accès à ces ressources devient un enjeu majeur. Les migrants, souvent arrivant sans réseaux sociaux ou accompagnement, rencontrent des difficultés d'intégration dans les structures sociales et économiques locales. Cela soulève des questions d’intégration sociale, d'égalité d’accès aux ressources, et de cohésion sociale dans un contexte de forte compétition pour les ressources naturelles et économiques.

3. Les défis environnementaux liés à l’exploitation artisanale


Bien que les impacts environnementaux de l'exploitation minière artisanale soient souvent considérés comme des conséquences indirectes sur le plan socio-économique, il est crucial de les mentionner en raison de leur influence directe sur les moyens de subsistance des populations locales. En effet, l'extraction artisanale de minerais, notamment de saphir, engendre des dommages environnementaux considérables. Ces activités détruisent les écosystèmes locaux, notamment les forêts et les zones humides, et perturbent les sources d’eau, rendant l'accès à l'eau potable de plus en plus difficile pour les communautés voisines. De plus, l'exploitation minière laisse des résidus qui peuvent contaminer les sols, les rendant appauvris et moins fertiles, ce qui impacte négativement l'agriculture et l'élevage, deux secteurs essentiels pour une majorité des habitants (World Bank, 2019).


Les activités agricoles, telles que la culture de riz, de maïs, et d'autres produits de subsistance, sont particulièrement vulnérables à ces dégradations. La diminution de la qualité des sols réduit les rendements agricoles, menaçant ainsi la sécurité alimentaire des familles rurales. De même, l'élevage, notamment celui des zébus, souffre de la perte de pâturages et de l'épuisement des ressources naturelles, ce qui a un impact direct sur les revenus des agriculteurs et éleveurs. Les conflits d'usage entre les acteurs miniers et les communautés agricoles deviennent ainsi plus fréquents, exacerbant la précarité sociale et les tensions économiques (Rakotomalala, 2019).

Les effets environnementaux de l'exploitation minière artisanale soulignent la nécessité de trouver un équilibre entre développement économique et préservation des ressources naturelles. La gestion durable des ressources naturelles et l'application de politiques de réhabilitation environnementale sont des éléments essentiels pour garantir un avenir viable et durable pour les communautés locales.

4. Vers une meilleure gestion de l’exploitation artisanale


  • Pour maximiser les bénéfices socio-économiques de l’exploitation minière artisanale tout en minimisant ses effets négatifs, plusieurs solutions stratégiques peuvent être envisagées :

  • Formalisation de l’exploitation artisanale : Une réglementation adaptée pourrait assurer de meilleures conditions de travail pour les mineurs et une répartition plus équitable des profits. La mise en place de licences d'exploitation légales, accompagnées de contrôles et de normes de sécurité, permettrait de réduire les abus, de protéger les travailleurs, et de garantir que les bénéfices de l'exploitation soient répartis de manière plus juste entre tous les acteurs impliqués (UNDP, 2021). Cela permettrait également de lutter contre l'exploitation illégale et de favoriser un environnement économique plus stable et transparent.

  • Formation des mineurs : La sensibilisation et la formation des exploitants aux techniques respectueuses de l'environnement et à la gestion des revenus sont essentielles pour minimiser les impacts environnementaux et sociaux. En enseignant aux mineurs des pratiques plus durables, telles que l’utilisation de méthodes d'extraction moins destructrices et le recyclage des matériaux, on pourrait réduire la dégradation des sols, la pollution des sources d’eau, et d'autres conséquences néfastes de l'exploitation. Parallèlement, une éducation financière permettrait aux travailleurs de mieux gérer leurs revenus, d’éviter les dépenses inutiles et de planifier des investissements à long terme pour leurs familles et leurs communautés (Rakotoarison, 2016).

  • Développement d’infrastructures locales : Les revenus générés par l'exploitation minière pourraient être utilisés pour financer des projets communautaires visant à améliorer les infrastructures locales. Cela inclut des projets dans les secteurs de l'éducation, de la santé, et de l'accès à l'eau potable. En réinvestissant une partie des bénéfices de l’exploitation dans des infrastructures durables, on pourrait améliorer la qualité de vie des communautés locales, tout en créant des opportunités de développement à long terme. Cela contribuerait à la construction d’une économie locale plus résiliente, moins dépendante de l'exploitation minière à court terme et plus orientée vers des investissements dans les secteurs clés du bien-être humain (FAO, 2020).


Ces solutions, en intégrant à la fois des aspects réglementaires, éducatifs et communautaires, permettraient de transformer l'exploitation minière artisanale en un moteur de développement durable et de réduction des inégalités socio-économiques.

Conclusion

L'exploitation minière artisanale dans le district de Sakaraha occupe une place essentielle dans l'économie locale, offrant une source de revenus pour de nombreuses familles. Toutefois, cette activité, bien que porteuse d'opportunités économiques, s'accompagne également de défis environnementaux et sociaux majeurs. Ces défis nécessitent une approche équilibrée pour garantir que les bénéfices tirés de l'exploitation des ressources naturelles ne se fassent pas au détriment du développement à long terme des communautés locales.

Afin de relever ces défis, il est crucial que les efforts gouvernementaux, les partenariats avec les acteurs locaux (tels que les ONG, les entreprises locales, et les autorités régionales), et la sensibilisation des communautés soient réunis. La mise en place de réglementations adaptées, la formation des mineurs, et la promotion de pratiques respectueuses de l'environnement sont des éléments clés pour assurer que l'exploitation minière artisanale devienne un vecteur de développement durable. Ces efforts, combinés à des investissements dans les infrastructures locales (santé, éducation, eau potable), permettent trait non seulement d'améliorer la qualité de vie des habitants mais aussi de créer un environnement plus résilient face aux défis environnementaux et socio-économiques.


La question centrale reste celle de l'équilibre entre l'exploitation des ressources naturelles et le développement socio-économique à long terme. Dans une région comme celle de l'Atsimo Andrefana, riche en ressources mais vulnérable face aux dérèglements écologiques et aux inégalités sociales, cet équilibre représente un enjeu majeur. La durabilité de l'exploitation minière artisanale et son intégration dans un cadre de développement équitable et responsable sont essentiels pour permettre à la région de bénéficier pleinement de ses ressources sans compromettre l'avenir des générations futures.

En resumer, l'exploitation minière artisanale dans le district de Sakaraha constitue à la fois une opportunité et un défi, et sa gestion doit s'inscrire dans une démarche inclusive, durable et équilibrée, pour garantir un développement harmonieux et bénéfique pour toutes les parties prenantes.


Bibliographie

  1. Andrianirina-Ratsialonana, R. (2015). Migration et transformation des dynamiques sociales autour des sites miniers à Madagascar. Antananarivo : Université d'Antananarivo.

  2. FAO. (2020). Impact environnemental des activités minières artisanales en milieu rural. Rome : FAO.

  3. Hajosoa, T. (2020). Le marché des pierres précieuses à Madagascar : Acteurs et défis. Antananarivo : Éditions Tsipika.

  4. Rakotomalala, J. (2018). Utilisation des revenus miniers dans les ménages vulnérables. Revue d’économie sociale, 15(3), 45-58.

  5. Rakotoarison, V. (2016). Techniques d’exploitation minière et durabilité à Madagascar. Antsirabe : Éditions Mahafaly.

  6. Ramiandrisoa, L., & Rakotondramanga, S. (2017). Les enjeux économiques de l’exploitation minière artisanale. Antananarivo : CNRE.

  7. UNDP. (2021). Formalisation des secteurs informels à Madagascar. New York : UNDP.

  8. World Bank. (2019). Artisanal Mining in Developing Countries: Challenges and Opportunities. Washington D.C. : World Bank

  9. Andrianirina, T., & Randriamampionona, L. (2020). Parcs nationaux et conservation de la biodiversité à Madagascar. Antananarivo : Editions Harena.

  10. Andriamahery, F. (2007). Chronique des événements à Madagascar : Assassinat de Mohamed Jamal Khalifah. Revue d'histoire contemporaine, 22(1), 89-94.

  11. Ramanandraibe, R. (2015). Le secteur minier à Madagascar : Opportunités et enjeux. Antananarivo : Université de Madagascar.

  12. Rakotomalala, J. (2019). Ressources naturelles et sécurité dans la région d’Atsimo Andrefana. Éditions Tsipika.

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