Hadrien, né Publius Aelius Hadrianus le 24 janvier 76 ap. J.-C. à Italica, en Hispanie, est l'un des empereurs les plus énigmatiques et fascinants de l'histoire romaine. Son règne, de 117 à 138 ap. J.-C., marque une période de relative paix et de prospérité au sein de l'Empire romain, souvent qualifiée de « Pax Romana ». Fils de Publius Aelius Hadrianus Afer et de Domitia Paulina, Hadrien est adopté par Trajan, son cousin éloigné et prédécesseur sur le trône impérial. Cette adoption, bien que contestée par certains historiens, lui permet d'accéder à la tête de l'empire après la mort de Trajan.
L'ascension d'Hadrien au pouvoir est marquée par son talent militaire et administratif, démontré lors de campagnes dans les provinces de Germanie et de Dacie. Contrairement à son prédécesseur, Hadrien choisit de consolider plutôt que d'étendre l'Empire, mettant fin aux guerres de conquête et stabilisant les frontières. Il est surtout connu pour avoir construit le Mur d'Hadrien en Britannia, une imposante fortification destinée à protéger les provinces romaines des incursions des tribus pictes. Ce mur, long de 117 kilomètres, demeure l'une des structures les plus emblématiques de l'ingénierie romaine.
Hadrien est aussi un grand voyageur, parcourant l'Empire de long en large pour inspecter les provinces, fortifier les défenses et promouvoir la romanisation. Ces voyages, rares pour un empereur romain, montrent son souci du détail et son désir de gouverner de près, en personne. Son séjour en Grèce, notamment, influence profondément sa vision culturelle et politique. Admirateur fervent de la culture grecque, Hadrien soutient les arts et la philosophie, encourageant un renouveau hellénique à travers l'Empire. Il entreprend des projets de construction ambitieux, tels que l'achèvement du temple de Zeus Olympien à Athènes, et fait d'Athènes une sorte de seconde capitale culturelle de l'Empire.
Sur le plan personnel, Hadrien est une figure complexe, souvent entourée de mystère. Son mariage avec Vibia Sabina est notoirement malheureux et sans enfant, ce qui alimente les spéculations sur sa vie privée. Son affection pour Antinoüs, un jeune homme originaire de Bithynie, est bien documentée et suscite de nombreux débats parmi les historiens. La mort tragique et prématurée d'Antinoüs en 130 ap. J.-C. plonge Hadrien dans une profonde douleur, le poussant à diviniser son jeune favori et à fonder la ville d'Antinoöpolis en sa mémoire. Ce geste, exceptionnel dans la culture romaine, témoigne de l'intensité de leur relation et de l'influence d'Antinoüs sur l'empereur.
Le règne d'Hadrien est également marqué par ses réformes administratives et juridiques. Il réorganise l'appareil bureaucratique, introduit des réformes visant à améliorer la justice et codifie le droit romain. Son célèbre édit perpétuel, ou « Edictum Perpetuum », systématise et clarifie les lois existantes, jetant les bases du droit romain classique. Hadrien cherche aussi à améliorer la condition des esclaves et des provinciaux, bien que ces réformes soient souvent limitées par les réalités sociales et politiques de l'époque.
L'architecture et l'urbanisme occupent une place centrale dans les préoccupations d'Hadrien. Son influence est visible à Rome à travers des constructions monumentales comme le Panthéon, reconstruit sous son règne avec sa célèbre coupole en béton, qui reste un exploit d'ingénierie inégalé. La Villa Hadrien à Tivoli, une immense résidence impériale, reflète son goût pour l'opulence et la diversité culturelle, incorporant des éléments de l'architecture grecque, romaine et égyptienne. Ce complexe, richement décoré et conçu comme un microcosme de l'Empire, est un témoignage de l'éclectisme artistique d'Hadrien et de son désir de créer un espace de retraite intellectuelle et spirituelle.
La politique religieuse d'Hadrien est également notable. Empereur tolérant, il respecte les divers cultes de l'Empire tout en renforçant le culte impérial. Sa visite à Jérusalem et sa décision de reconstruire la ville comme Aelia Capitolina, avec un temple dédié à Jupiter sur le site du Temple de Salomon, provoque la révolte de Bar Kokhba (132-135 ap. J.-C.), une insurrection juive qui est brutalement réprimée. La répression de cette révolte est l'un des aspects les plus sombres de son règne, marquant une période de grande souffrance pour la population juive de Judée.
En dépit de ces conflits, Hadrien est largement vu comme un administrateur capable et un dirigeant soucieux de la prospérité et de la stabilité de l'Empire. Ses décisions politiques et militaires reflètent un équilibre entre la force et la diplomatie, visant à maintenir l'harmonie et à éviter les guerres inutiles. Il parvient à créer un sentiment d'unité et de cohésion au sein de l'Empire, favorisant une période de relative paix et de développement économique.
La fin de la vie d'Hadrien est marquée par des problèmes de santé croissants, qui le contraignent à déléguer de plus en plus de responsabilités à ses successeurs désignés. En 138 ap. J.-C., conscient de l'imminence de sa mort, il adopte Antonin le Pieux, assurant une transition de pouvoir stable. Hadrien meurt le 10 juillet 138 ap. J.-C. à Baiae, laissant derrière lui un héritage complexe et durable. Son mausolée, aujourd'hui connu sous le nom de Château Saint-Ange, est l'un des monuments funéraires les plus imposants de Rome, symbolisant la grandeur et la pérennité de son règne.
Hadrien reste une figure paradoxale de l'histoire romaine, à la fois architecte de la paix et de la répression, admirateur de la culture grecque et défenseur de la romanité, empereur bienveillant et maître implacable. Son règne, bien que contesté par certains de ses contemporains, est aujourd'hui reconnu comme l'un des plus prospères et des plus stables de l'Empire romain. Les historiens continuent d'explorer les nombreuses facettes de sa personnalité et de ses réalisations, faisant de lui une source inépuisable de fascination et d'étude.