Ranavalona Ire, née entre 1788 et 1790 et décédée le 16 août 1861, fut une reine malgache régnant sur le royaume de Madagascar de 1828 à 1861. Connue à l'origine sous le nom de Mavo ou Ramavo, puis sous le nom de Rabodonandrianampoinimerina (« la petite fille ingénue d'Andrianampoinimerina »), elle devint reine après la mort de son mari et cousin au second degré, Radama Ier. Son règne fut marqué par une prise de distance vis-à-vis des Européens, une affirmation de la souveraineté nationale, et une lutte acharnée contre l'expansionnisme militaire et religieux européen. Autoritaire mais dotée d'une envergure certaine, Ranavalona Ire demeure une figure de référence dans l'imaginaire indépendantiste national malgache.
Rabodonandrianampoinimerina naquit dans une famille aristocratique. Fille d'une cousine du roi Andrianampoinimerina, elle fut adoptée par Ralesoka, sœur aînée de ce dernier, ce qui la propulsa au sein de la très haute aristocratie malgache. Andrianampoinimerina la choisit comme épouse principale pour son fils et successeur, Radama, futur Radama Ier, afin de perpétuer la lignée royale.
Lors de la mort de Radama le 27 juillet 1828, le trône devait revenir à Rakotobe, le fils aîné de la sœur aînée de Radama, selon la coutume locale. Cependant, la situation politique complexe et les intrigues de cour permirent à Ramavo de s'emparer du pouvoir. Tandis que les courtisans de confiance de Radama hésitaient à annoncer sa mort, craignant des représailles, l'officier militaire Andriamamba découvrit la vérité et complota avec d'autres agents influents pour appuyer la demande de Ramavo au trône. Cachée et protégée par ces alliés, Ramavo obtint le soutien de l'armée et des gardiens des idoles royales, ce qui lui permit de se proclamer successeur de Radama le 11 août 1828. Elle prit le nom de trône de Ranavalona et élimina systématiquement ses rivaux politiques, y compris Rakotobe et sa famille, suivant ainsi les méthodes employées par Radama lors de son propre accession au trône.
Le couronnement de Ranavalona Ire eut lieu le 12 juin 1829. Dès le début de son règne, elle chercha à poursuivre l'œuvre de modernisation du royaume commencée par Radama Ier, mais elle dut rapidement faire face à des défis externes. En 1829, l'amiral Gourbeyre mena une attaque française sur la côte orientale de l'île, exacerbant la méfiance de la reine envers les ambitions européennes. Cette méfiance fut renforcée par l'influence croissante des missionnaires britanniques, dont les activités d'évangélisation commençaient à porter leurs fruits.
Craignant la perte de l'indépendance de Madagascar, Ranavalona dénonça le traité anglo-malgache de 1820 et demanda aux Britanniques de renoncer à la propagation religieuse, se contentant des travaux d'éducation. Lorsque les missionnaires refusèrent, elle les expulsa de l'île en 1835. Elle continua néanmoins à recourir à l'aide de techniciens indépendants, tels que l'aventurier Jean Laborde, qui contribua à la modernisation du royaume en introduisant de nouvelles technologies et en développant une industrie métallurgique et chimique. Laborde fabriqua des canons et Napoléon de Lastelle fournit des fusils, permettant ainsi à Ranavalona de renforcer ses capacités militaires.
Ranavalona Ire se consacra à éradiquer le christianisme, qu'elle percevait comme une menace à l'indépendance nationale. Elle pourchassa les convertis autochtones, considérés comme des traîtres. En 1849, elle déclara : « Miala amiko ka mba ialako, mahafoy ahy ka mba foiko ! » (« Ils [les chrétiens] m'ont reniée, aussi je les renie ; ils ont renoncé à moi, je renonce à eux ! »). Elle permit toutefois aux Européens de continuer à enseigner la science et la sagesse, mais interdit toute influence sur les coutumes ancestrales, comme le montre la lettre suivante adressée aux Européens présents sur l'île :
« À tous les Européens, Anglais ou Français, En reconnaissance du bien que vous avez fait à mon pays, en enseignant la sagesse et la connaissance, je vous exprime tous mes remerciements. J'ai pu être témoin de ce que vous avez été pour Radama, mon prédécesseur, et, depuis mon avènement, vous avez continué à rechercher le bien de mes sujets. Aussi je vous déclare que vous pouvez suivre toutes vos coutumes. N'ayez aucune crainte, car je n'ai nullement l'intention de modifier vos habitudes.
Mais si je vois quelques-uns de mes sujets vouloir changer le moins du monde les règles établies par les douze grands rois, mes ancêtres, je n'y saurai consentir ; car je ne permettrai pas que les hommes viennent changer quoi que ce soit à ce que j'ai reçu de mes ancêtres, dont j'ai accepté, sans honte et sans crainte, toutes les idées. Il vous est loisible d'enseigner à mon peuple la science et la sagesse ; mais quant à ce qui est de toucher aux coutumes des ancêtres, c'est un vain travail, et je m'y opposerai entièrement.
Aussi, en ce qui concerne la religion, soit le dimanche, soit la semaine, les baptêmes et les réunions, j'interdis à mes sujets d'y prendre part, vous laissant libres, vous, Européens, de faire ce que vous voudrez.
Signé : Ranavalonamanjaka »
Malgré ses efforts pour moderniser le royaume et consolider son autorité, les campagnes militaires de Ranavalona Ire épuisèrent les ressources du royaume. Les conflits fréquents et les efforts pour repousser les attaques européennes, comme celles de 1845 par les marines française et britannique, mirent à rude épreuve les finances et les forces militaires. Ces luttes conduisirent également à un renforcement du commerce interne et externe des esclaves, malgré l'interdiction officielle, augmentant la population de déportés étrangers et contribuant au développement de la communauté des Mainty.
L'économie souffrit des tensions diplomatiques, mais Ranavalona maintint une position pragmatique en reconnaissant l'importance du commerce international pour le royaume. Les relations avec Zanzibar furent envisagées pour contrebalancer l'influence européenne. Toutefois, l'isolationnisme imposé pendant certaines périodes, comme après les attaques de 1845, limitèrent les opportunités de commerce et de développement économique.
En dépit des défis, Ranavalona Ire laissa un héritage durable. Elle poursuivit l'œuvre d'Andrianampoinimerina et de Radama Ier, affirmant la souveraineté malgache et protégeant les coutumes ancestrales. Sa résistance aux influences européennes et sa défense acharnée de l'indépendance nationale firent d'elle une figure emblématique du patriotisme malgache. Elle fit préparer un dictionnaire anglais-malgache, et l'école de langue qu'elle établit forma quarante élèves qui jouèrent un rôle diplomatique de premier plan dans la seconde moitié du siècle.
À sa mort le 16 août 1861, Ranavalona Ire laissa derrière elle un pays puissant et autoritaire. Elle fut enterrée dans la basilique royale qu'elle fit construire, son tombeau couvert de bijoux, de perles et de la couronne de la reine. Son fils, Radama II, lui succéda, mais son règne fut bref : il fut assassiné vingt mois plus tard. L'héritage de Ranavalona Ire reste complexe et controversé, mais son rôle dans l'affirmation de l'indépendance malgache et la défense des traditions ancestrales est indéniable.